ENTREPRISE-ECONOMIE-FISCALITE-DROIT
DES AFFAIRES
Textes originaux
Décision n° 2005-523 DC du
29 juillet 2005 •
Loi en faveur des petites et moyennes entreprises
_________________________________________
• Article 95 non contraire à la constitution.
Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions
prévues par l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la
loi en faveur des petites et moyennes entreprises, le 20 juillet 2005, par
:
M. Jean-Marc AYRAULT, Mmes Patricia ADAM, Sylvie ANDRIEUX, MM. Jean-Marie
AUBRON, Jean-Paul BACQUET, Jean-Pierre BALLIGAND, Gérard BAPT, Claude
BARTOLONE, Jacques BASCOU, Christian BATAILLE, Jean-Claude BATEUX, Jean-Claude
BEAUCHAUD, Éric BESSON, Jean-Louis BIANCO, Jean-Pierre BLAZY, Serge
BLISKO, Patrick BLOCHE, Jean-Claude BOIS, Daniel BOISSERIE, Maxime BONO, Augustin
BONREPAUX, Jean-Michel BOUCHERON, Pierre BOURGUIGNON, Mme Danielle BOUSQUET,
MM. François BROTTES, Jean-Christophe CAMBADÉLIS, Thierry CARCENAC,
Christophe CARESCHE, Laurent CATALA, Jean-Paul CHANTEGUET, Michel CHARZAT,
Alain CLAEYS, Mme Marie-Françoise CLERGEAU, MM. Gilles COCQUEMPOT,
Pierre COHEN, Mme Claude DARCIAUX, M. Michel DASSEUX, Mme Martine DAVID, MM.
Marcel DEHOUX, Bernard DEROSIER, Marc DOLEZ, François DOSÉ,
René DOSIÈRE, Julien DRAY, Tony DREYFUS, Pierre DUCOUT, Jean-Pierre
DUFAU, William DUMAS, Jean-Louis DUMONT, Jean-Paul DUPRÉ, Yves DURAND,
Mme Odette DURIEZ, MM. Henri EMMANUELLI, Claude ÉVIN, Laurent FABIUS,
Albert FACON, Jacques FLOCH, Pierre FORGUES, Michel FRANÇAIX, Jean
GAUBERT, Mmes Nathalie GAUTIER, Catherine GÉNISSON, MM. Jean GLAVANY,
Gaétan GORCE, Alain GOURIOU, Mmes Elisabeth GUIGOU, Paulette GUINCHARD-KUNSTLER,
M. David HABIB, Mme Danièle HOFFMAN-RISPAL, MM. François HOLLANDE,
Serge JANQUIN, Armand JUNG, Mme Conchita LACUEY, MM. Jérôme LAMBERT,
François LAMY, Jean LAUNAY, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Gilbert LE BRIS,
Jean-Yves LE DÉAUT, Jean-Yves LE DRIAN, Jean LE GARREC, Jean-Marie
LE GUEN, Jean-Claude LEROY, Michel LIEBGOTT, Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU,
MM. François LONCLE, Victorin LUREL, Bernard MADRELLE, Bruno LE ROUX,
Mme Marylise LEBRANCHU, MM. Michel LEFAIT, Patrick LEMASLE, Mme Annick LEPETIT,
MM. Louis-Joseph MANSCOUR, Philippe MARTIN, Christophe MASSE, Didier MATHUS,
Kléber MESQUIDA, Jean MICHEL, Didier MIGAUD, Mme Hélène
MIGNON, M. Arnaud MONTEBOURG, Henri NAYROU, Alain NÉRI, Mme Marie-Renée
OGET, MM. Christian PAUL, Germinal PEIRO, Jean-Claude PÉREZ, Mmes Marie-Françoise
PÉROL-DUMONT, Geneviève PERRIN-GAILLARD, MM. Jean-Jack QUEYRANNE,
Paul QUILÈS, Bernard ROMAN, Patrick ROY, Mme Ségolène
ROYAL, M. Michel SAINTE-MARIE, Mme Odile SAUGUES, MM. Henri SICRE, Dominique
STRAUSS-KAHN, Pascal TERRASSE, Philippe TOURTELIER, Daniel VAILLANT, André
VALLINI, Manuel VALLS, Michel VERGNIER, Alain VIDALIES, Jean-Claude VIOLLET,
Philippe VUILQUE, Eric JALTON, Jean-Pierre DEFONTAINE, Paul GIACOBBI, François
HUWART, Simon RENUCCI, Mme Chantal ROBIN-RODRIGO et M. Roger-Gérard
SCHWARTZENBERG, députés ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant
loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code du travail ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 25 juillet 2005
;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les requérants défèrent au
Conseil constitutionnel la loi en faveur des petites et moyennes entreprises
; qu'ils contestent la conformité à la Constitution de son article
95 ;
2. Considérant que cet article complète le III de l'article
L. 212-15-3 du code du travail, relatif aux conventions ou accords collectifs
prévoyant la conclusion de conventions de forfait en jours pour les
cadres, par un alinéa ainsi rédigé : " La convention
ou l'accord peut également préciser que les conventions de forfait
en jours sont applicables, à condition qu'ils aient individuellement
donné leur accord par écrit, aux salariés non-cadres
dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée
et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur
emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées
" ;
3. Considérant que les requérants soutiennent que ces dispositions
méconnaissent le droit à l'emploi, le droit à la santé
et le droit au repos garantis par les cinquième et onzième alinéas
du Préambule de la Constitution de 1946 ainsi que la liberté
contractuelle qui résulte de l'article 4 de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
4. Considérant qu'aux termes du cinquième alinéa du Préambule
de 1946 : " Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un
emploi... " ; qu'en vertu de son huitième alinéa : "
Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués,
à la détermination collective des conditions de travail... "
; que, selon son onzième alinéa, la Nation " garantit à
tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs,
la protection de la santé, la sécurité matérielle,
le repos et les loisirs " ; que l'article 34 de la Constitution dispose
: " La loi détermine les principes fondamentaux... du droit du
travail... " ;
5. Considérant, en premier lieu, que, s'il appartient au législateur,
dans l'exercice de sa compétence, de poser des règles propres
à assurer au mieux, conformément au cinquième alinéa
du Préambule de 1946, le droit pour chacun d'obtenir un emploi, tout
en ouvrant le bénéfice de ce droit au plus grand nombre, il
lui est à tout moment loisible d'apprécier l'opportunité
de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant,
le cas échéant, d'autres dispositions ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède
qu'il était loisible au législateur d'étendre à
certains salariés non-cadres le régime des conventions de forfait
en jours défini par la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative
à la réduction négociée du temps de travail sous
réserve de ne pas priver de garanties légales les exigences
constitutionnelles relatives au droit à la santé et au droit
au repos de ces salariés résultant du onzième alinéa
du Préambule de 1946 ;
7. Considérant que des conventions de forfait en jours ne pourront
être conclues avec des salariés non-cadres que s'ils disposent
d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur travail et si la
durée de leur temps de travail ne peut être prédéterminée
; que la conclusion de ces conventions de forfait doit être prévue
par une convention ou un accord collectif étendu ou par un accord d'entreprise,
qui détermine notamment les catégories de salariés concernés
; que les intéressés doivent donner individuellement leur accord
par écrit ; qu'ils bénéficient du repos quotidien de
onze heures prévu par l'article L. 220-1 du code du travail et du repos
hebdomadaire de trente-cinq heures prévu par l'article L. 221-4 du
même code ; que le nombre de jours travaillés ne peut dépasser
le plafond de deux cent dix-huit jours par an ; qu'en posant l'ensemble de
ces conditions, le législateur n'a pas privé de garanties légales
les exigences constitutionnelles résultant du onzième alinéa
du Préambule de 1946 ;
8. Considérant, en second lieu, qu'il est loisible au législateur,
après avoir défini les droits et obligations touchant aux conditions
et aux relations de travail, de laisser aux employeurs et aux salariés
ou à leurs organisations représentatives le soin de préciser,
notamment par la voie de la négociation collective, les modalités
concrètes d'application des normes qu'il édicte ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède
que l'article 95 de la loi déférée pouvait renvoyer à
des conventions ou accords collectifs de branche ou d'entreprise la définition
des catégories de salariés concernés ainsi que les modalités
concrètes d'application des conventions de forfait en jours prévues
par le III de l'article L. 212-15-3 du code du travail ; que cet article ne
porte aucune atteinte à l'économie d'accords collectifs déjà
conclus ;
10. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel,
de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution,
D É C I D E :
Article premier.- L'article 95 de la loi en faveur des petites et moyennes
entreprises n'est pas contraire à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal
officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance
du 29 juillet 2005, où siégeaient : M. Pierre MAZEAUD, Président,
MM. Jean-Claude COLLIARD, Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE, Mme Jacqueline de
GUILLENCHMIDT, MM. Pierre JOXE et Jean-Louis PEZANT, Mme Dominique SCHNAPPER,
M. Pierre STEINMETZ et Mme Simone VEIL
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